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Marketing religieux

L'armée du Salut à l'Eurovision : un bon coup de « Public Relation » ?

Extrait de l'interview d'Eric Jaffrain par Aline Bachofner dans l'émission de la télévision Suisse « Faut pas croire » du 8 décembre 2012

Visionner l'émission :
http://www.rts.ch/video/emissions/religion/faut-pas-croire/4492274-les-eglises-font-leur-pub.html

AB : (A propos de la participation de l'Armée du Salut à la finale de l'Eurosong 2012) Est-ce qu'il faut qu'il y ait une adéquation entre l'image et le message qu'une église communique, ou est-ce que finalement, le marketing, c'est vendre du rêve, et si c'est sympa, ça passe ?

EJ : Le problème, c'est que lorsque l'on parle d'image du monde religieux, cela fait écho à ce qu'on appelle l'image résiduelle, qui est principalement liée au : « vieux jeu, ringard, passéiste, moyenâgeux »,... et sans compter les interdits pour les Catholiques et le libéral-humanisme pour les Réformés, par exemple. C'est l'image perçue par le public, son image résiduelle.
Lorsque l'Armée du Salut arrive et commence à chanter un chant plutôt rock, plutôt « bon enfant », sympa et dynamique, on est déjà en porte-à-faux avec cette image perçue : ça ne va pas, ça ne colle pas à l'image que le grand public se fait d'un groupe religieux.
Mais on pourrait dire que leur démarche, à savoir de faire du « Public Relation » est une bonne chose, dans la mesure où leur but est de modifier cette fameuse image résiduelle et de montrer « comme ils sont vraiment ». [...]
La question de fond reste : « est-ce que j'ose communiquer le religieux comme n'importe quel produit pour être accessible ? Ou est-ce que du fait de l'image résiduelle que j'ai, que j'ai cultivée parfois même de façon intentionnelle, en ayant gardé son côté secret et inaccessible, je modernise mon image comme un produit ? »
Or, un produit n'est bon que s'il est accessible et « consommable » pour l'autre. Le fait de relooker du religieux, c'est se concentrer sur son packaging sans se remettre en question sur la qualité, l'accessibilité et la pertinence du produit.

Dans le cas de l'Armée du Salut, le fait qu'ils chantent du rock en uniforme et soient donc « reconnaissables » perturbe l'auditeur. Car ils se produisent dans le champ de la société civile, laïc, qui considère le monde religieux comme « hors de lui ». Ils font donc une incursion qui dérange. En terme de stratégie marketing, c'est risqué, car le récepteur du message a du mal à adapter l'image qu'il a du religieux -entre le discours très exclusif ou au contraire très libéral- à ce qu'il voit : un groupe d'officiers de l'Armée du Salut entrain de chanter du rock. Mais stratégiquement, c'est courageux et bien joué !

Rébecca Reymond



Va-t-on repenser le marketing ?
Une interview d'Eric Jaffrain du magazine La Vie.
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« L'Église se comporte comme si elle était toujours en situation de quasi-monopole »

Un logo célèbre, des points de vente multiples, mais des parts de marché en baisse...
Des professionnels du business passent la multinationale catholique au crible.



Et si le catholicisme était une marque, l'Église une multinationale, avec son PDG, le pape, ses ingénieurs et commerciaux, les évêques et les prêtres… L'idée semble incongrue. Et pourtant, pour perdurer au fil des siècles, l'Église a bien dû « recruter » de nouveaux fidèles. « Le marketing ? C'est Jésus qui l'a forgé, il y a 2 000 ans », déclarait, le 2 octobre 1997, l'évêque italien Ernesto Vecchi. Deux spécialistes, le consultant Éric Jaffrain, expert en marketing non-marchand, et le publicitaire Bruno Ballardini nous livrent une analyse iconoclaste et décoiffante de l'institution catholique revue et corrigée à la lumière du marketing. À l'heure où l'Église perd des fidèles en Occident – alors même que le besoin de spiritualité n'a, semble-t-il, jamais été aussi grand –, leurs propos sont riches d'enseignements.


Une marque bien identifiée
« “La multinationale catho” a su imposer un logo fort, atemporel, reconnu dans tous les pays : la croix, reproduite à des millions d'exemplaires», avance Bruno Ballardini dans Jésus lave plus blanc (éditions Liana Levi, 16 €). L'institution possède, en outre, des points de vente nombreux et repérés : les églises. Et a bien compris « la nécessité de relier, par un lien fort d'identité, point de vente et marque. Principe crucial, valable aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du point de vente », observe le publicitaire.
À l'image des McDonald's immédiatement reconnaissables à leur enseigne jaune et à leur aménagement intérieur, les églises sont repérables à leur clocher et organisées selon un plan immuable : nef, transept, autel… Surtout, « l'Église a été la première à avoir l'intuition que
le lieu de vente ne sert pas simplement à distribuer le produit, mais qu'il permet également de fidéliser la clientèle, poursuit Bruno Ballardini. Le croyant y retrouve une communauté de chrétiens rassemblés pour écouter la parole divine. En créant un lien émotionnel entre le lieu et ses usagers, l'Église invite sa “clientèle” à revenir régulièrement et renforce l'adhésion à sa “marque”. »

Un marché en plein essor mais peu exploité
Le religieux, le spirituel, le paranormal et l'ésotérisme ont aujourd'hui le vent en poupe. Le marché est potentiellement très porteur. Pourquoi, alors, l'Église catholique ne cesse-t-elle de perdre des fidèles en Europe ? En 2009, 64 % des Français se reconnaissaient catholiques contre 80 % en 1966 (sondage Ifop). Outre qu'elle se heurte à une concurrence sévère (les autres religions, le zen passé à la sauce occidentale, le secteur parapsychologique et toutes les
pratiques ésotériques ou surnaturelles), « elle se comporte comme si elle était toujours en situation de quasi-monopole, comme si elle était propriétaire de Dieu », analyse Éric Jaffrain, auteur d'un ouvrage à paraître, Dieu n'est plus à vendre... Dommage.


Un produit vendeur mais perverti
L'Église propose « un produit » éternel et gratuit : la Parole divine et ses dérivés, le salut en Jésus-Christ, la vie éternelle... « Mais, au fil du temps, l'emballage s'est substitué au produit. Au lieu de vendre Dieu et la foi, l'Église se vend elle-même en tant qu'institution, avec ses dogmes et sa liturgie, oubliant son produit central, insiste Éric Jaffrain. Elle cherche plus à valoriser sa structure qu'à répondre à un besoin. » Erreur stratégique qui, de plus, ignore une évolution de fond : la désinstitutionalisation de la croyance. Comme l'analyse la sociologue Danièle Hervieu-Léger dans le Pèlerin et le Converti, l'homme moderne en quête spirituelle refuse désormais d'adhérer en bloc à l'institution et préfère tracer son propre chemin – « le pèlerin » – pour, au fil des expériences vécues, acquérir sa propre identité religieuse – « le converti ».

Une marque qui peine à se renouveler
Toute marque doit, à la fois, perdurer dans le temps et pour cela rester intangible sur sa proposition de base – à cet égard, l'Église catholique a brillamment passé les siècles – et, en même temps, séduire de nouveaux consommateurs. Le problème est que, chez les nouvelles générations, une marque bien installée, au mieux, ne représente rien, au pire, représente le passé. Le constat d'Éric Jaffrain est sévère : « La liturgie catholique est considérée par le citoyen lambda comme un folklore plus qu'une ambiance propice à rencontrer Dieu.
L'Église traîne une image passéiste en décalage avec les préoccupations spirituelles du citoyen. » De plus, au sein des « clients » fidèles, l'attachement à « la marque » se fait plus ténu. En 2009, seuls 4,5 % des catholiques disaient fréquenter une église tous les dimanches, contre 27 % en 1952 (sondage Ifop).

Une communication difficile
« L'Église parle au monde comme s'il était croyant, comme si nous étions tous des consommateurs acquis à son produit, reprend Éric Jaffrain.
Le grand public a ainsi le sentiment que la “multinationale” communique surtout sur l'éthique et la morale et peu sur l'espérance ou la spiritualité.» Un choix peu stratégique, qui a de douloureuses répercussions en cas de problème. Comme avec le scandale des prêtres pédophiles aujourd'hui. « Son discours sur la moralité, axe central de sa communication, lui revient en boomerang, estime Éric Jaffrain. C'est un cas de communication de crise. L'“entreprise” – ici, l'Église – doit 1/ avouer son erreur, 2/ révéler toute la vérité, 3/ reconnaître sa faillibilité. Comme Toyota, qui a rappelé ses véhicules défectueux, ou Perrier, ses bouteilles d'eau gazeuse. Il lui faut ensuite réformer sa structure pour éviter une nouvelle crise. »

Recruter de nouveaux adhérents
À l'inverse de cette communication mal dirigée, de nombreux témoins agissent comme « de super VRP » du catholicisme. « Sœur Emmanuelle parlait avec passion de sa foi, d'une foi claire, concrète, engagée dans le quotidien. C'était un excellent “produit d'appel” pour l'Église catholique, apprécie Éric Jaffrain de son regard de professionnel du marketing. Les premiers et les meilleurs promoteurs de la “multinationale catho” sont les croyants convaincus qui peuvent témoigner de leur expérience et dire :“Oui, ce produit est juste car il a transformé ma vie.” » L'institution religieuse pourrait aussi emprunter certaines techniques au marketing, en favorisant des « expériences de consommation chrétienne », autrement dit, en offrant aux non-croyants des conditions d'immersion dans son univers. Non pas via un long discours théologique qui ne serait pas adapté à « ces cibles potentielles ». Mais en créant un événement mémorable auquel chacun pourrait assister, qu'il soit ou non croyant, et qui lui permette d'appréhender l'Église dans ses dimensions d'accueil, de charité, de joie, de partage... Autant d'expériences qui pourraient amener la « cible » à adhérer ensuite au message catholique.
« Le but d'une entreprise n'est pas de vendre un produit ni d'augmenter le nombre de clients, mais de répondre aux besoins, conclut Éric Jaffrain. Ensuite, si le produit est bien fait, comme les besoins – ici, spirituels – sont importants, le nombre de clients – ici, les croyants – ne peut qu'augmenter. »

Christine Monin.
Journaliste à l'hebdomadaire Français « La Vie ».
2 avril 2010







L'Eglise fait-elle un bon marketing ?

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La quête de sens ou de Dieu revient en force depuis plusieurs années. Et en ces temps de crises, le citoyen se cherche, cherche ou re-cherche des réponses dans la spiritualité. Les Eglises chrétiennes (traditionnelles ou modernes) démissionnés du public pendant longtemps, tentent de revenir sur le devant de la scène via des actions de communication : Campagnes de collecte de fonds, sites Web, Blogs, spots TV et radio, avec une différence notoire entre la France et la Suisse. Cette dernière donnant plus d'ouverture au religieux que la France laïque.

Même si la campagne « anti » chrétienne sur les bus à Londres et Barcelone (« Dieu n'existe probablement pas » était-il écrit) a fait réagir les Suisses, les communautés chrétiennes semblent être un peu plus pro-actives aujourd'hui. Mais que vendent-elles ? Sont-elles crédibles ?


Pour avoir quelques réponses, j'ai trouvé utile d'analyser ces dernières par le biais du marketing. Evaluer également leur communication par le marketing pourrait paraître pour certains comme une ineptie. Et pourtant…



Le marketing et la foi. Une adéquation possible ?

Non, si l'on considère que le marketing a seulement un objectif de profit financier et que la transaction se résume à l'acte d'achat par l'argent.
Mais oui, si l'on considère que le marketing est un outil de management de projet pour répondre aux besoins des publics. Bien plus encore si l'on revient à l'essence même du marketing : un outil qui favorise les relations via des transactions tels que le don, le troc, l'adhésion, et aussi l'engagement comme la piété ou encore la conversion à une religion.

Le but du marketing n'est pas, et de ne doit pas être, le profit financier ou d'avoir un succès d'audience grâce à ses idées et ses convictions religieuses. Son but principal est de favoriser la réponse aux besoins de ses publics par une consommation réelle que seul le destinataire peut juger comme valable, utile et efficace. Normalement, cette consommation transforme, amène à un état nouveau. Par exemple : j'ai soif – je prends de l'eau – je suis donc désaltéré, je n'ai plus soif.

Sur cette base, le marketing peut apporter des outils, des guides pour le secteur religieux. Je parlerai principalement de la religion chrétienne, puisque c'est celle que je connais le mieux.


1- L'image, le message et le produit
L'image résiduelle de la religion est souvent tâchée de sang, et de conflits et de prises de pouvoir politique, n'est-ce pas ? Sans compter les guerres et divisions entre confessions chrétiennes. Pourquoi ? Plusieurs raisons à cela, bien sûr, mais une qui me semble assez révélatrice est celle du « moi je sais mieux que toi, donc je te tue ». Un des exemples les plus criant est le conflit au temps de la Réforme provoquée par Calvin et Luther au 15 et 16ème siècle. Pendant 500 ans les Protestants ont été persécutés par le pouvoir Catholique : il fallait supprimer celui qui est différent de moi. Cette « religion prétendue réformée » fût le 1er concurrent à l'Eglise monopole de l'époque : une perte de profit en vue…


Le produit : Quel est le produit de central dans la religion ?
Tout dépend comment l'on considère Dieu ! : Suis-je un bénéficiaire des dons de Dieu ? Ou suis-je le fabriquant de Dieu ? Pour le savoir j'ai lu et relu plusieurs fois le manuel du fabricant, les textes de la Bible. Et il me semble avoir trouvé quelques versets assez clairs et centraux sur le produit central : "Or, sans la foi, il est impossible d'être agréable à Dieu, car celui qui s'approche de Dieu doit croire qu'il existe et qu'il récompense ceux qui le cherchent. » (1) Et deux autres phases de Jésus-Christ « C'est moi qui suis le pain de vie; celui qui vient à moi n'aura pas faim; celui qui croit en moi jamais n'aura soif » (2). Et « Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n'est par moi »(3). Si je m'en tiens à ces phrases, je dirai donc que la foi est le produit central donné par Dieu et Jésus-Christ est le mode d'emploi ou le magasin par qui je la trouverai. Ainsi, et pour faire court, l'Eglise chrétienne doit vendre la foi DE Dieu en proposant Jésus comme moyen de l'avoir. L'institution n'est donc pas à vendre.
Pour revenir au 15ème siècle, un fait intéressant est que le Réformateur insistait sur le fait d'avoir une vraie relation à Dieu, de lire la Bible et de croire que le salut venait de la foi seule et non des indulgences ou du bon vouloir du Curé. En clair plus vous consommez le produit central de Dieu (la foi), plus votre vie sera épanouie et transformée.
Face à eux, l'Eglise catholique vend sa structure, son institution, seul lieu de salut. Il est interdit de lire la Bible, obligé d'écouter la messe en latin (que personne ne comprenait) et de faire des exercices de piété (pèlerinages, croisades, indulgences) qui donneront le paradis et la paix. Sinon, c'est l'enfer. En clair, consommez l'institution et laissez vous guider par elle. Le produit central est l'Eglise, la foi est accessoire.

Cet exemple appartient-il à l'histoire seulement ? Pas sûr ! Les Eglises traditionnelles ne sont pas exemptes d'un tel scénario. Eglises Protestantes ou Catholiques, ou quelles que soient les tendances internes (Traditionnelles, Pentecôtistes, Contemplatifs…) certaines communautés chrétiennes se sont substituées à Dieu. La structure a pris la place de Dieu au profit de leurs convictions qui ne servent que ceux qui leurs ressemblent. Dieu ou la foi n'est plus à vendre ! Le packaging est plus mis en avant que le produit central. Curieux de voir ainsi les méthodes des entreprises commerciales appliquées au religieux…
Lors d'une enquête consommateurs que j'ai effectuée il y a quelques temps, pour une structure commerciale et revendiquant son éthique chrétienne, une des questions était « croyez-vous en Dieu ? », et la réponse d'une personne, un brin étonnante, fût « non, non, je ne suis pas catholique ! »

Pour conclure ce chapitre, aucune Eglise chrétienne ne devrait vendre son nom, sa théologie ou son image. Si celle-ci a pour vocation d'être un lieu de foi, son message devrait être celui de l'Evangile, et d'avoir une image d'amour non sélectif ou exclusif, et enfin, comme produit, la foi que seule Dieu donne. Ce consommateur s'appellera alors chrétien (qui veut dire « comme Christ » en Grec) et non un membre d'une structure via une carte de fidélité catholique ou protestante.



2- L'argent et l'Eglise ou les besoins et le donateur

L'appel au don, comme la vente, est un des outils du marketing. Mais il y a deux sortes de marketing : l'un étant une séduction de l'entreprise pour répondre à ses propres besoins, donc souvent celui du profit. L'autre, que j'appelle le marketing non marchand, est là pour optimiser le lien social en réponse à un besoin émis et non perçu. Ainsi, plus le lien social se développe plus l'économie se développera comme une résultante de la satisfaction du destinataire et non comme un but en soit. De fait, une entreprise qui recherche le profit comme seul objectif commet une erreur stratégique.
En ce sens l'Eglise, au regard de son besoin de financement, est face à un choix : soit elle recherchera des donateurs par des moyens habituels et marchands, soit elle répondra aux besoins des croyants. Et la frontière est faible, mais oh combien il est important de la considérer !

Au risque de surprendre, l'appel au don ne doit pas une propagande de ses idées, fussent-elles bonnes, mais une réponse aux besoins du donateur. Quelques questions peuvent aider à comprendre quelle approche mettre en place :
- Quel est le métier de l'Eglise ?
- Que vend t-elle ?
- Ou plutôt quelle est sa vocation et quelle est son offre principale ?
- De quelle façon répond t-elle aux besoins des chercheurs de Dieu – chercheurs de sens ?

Les réponses permettront de comprendre que le donateurs n'est pas là pour faire vivre une organisation, encore moins une Eglise. Le donateur cherche à donner à celui… qui lui donne. Il donne à qui donne les réponses à ses besoins de spiritualité. L'appel au don n'est donc pas une demande, mais une réponse aux besoins du donateur. « Donnez et vous recevrez », nous révèle aussi la Bible.

A l'inverse, donner de l'argent est une contrepartie à un service rendu, la transaction proposée est basée sur le dû : un paiement en échange d'un acte… d'achat et devient un « je donne que si tu me donne » prononcé par votre interlocuteur, ou encore « je vous donne mon argent, vous avez intérêt à ce que mon pouvoir augmente ». Etat d'esprit que l'on peut constater lors de la « vente » des actes pastoraux (4). Il n'est plus un donateur, mais un client – argent. Cette relation exclue une relation sociale et le client exige un produit ou un service et ne souhaite pas autre chose qu'une satisfaction personnelle sans contre-partie relationnelle. Ce dû entraîne donc le profit de chaque acteur : le vendeur gagne de l'agent, l'acheteur gagne du pouvoir. C'est le format de l'économie de marché plébiscité par les prophètes de la finance, et on a vu ce que cela donne ! : La crise économique est une preuve que la quête et la performance financière sont une erreur.

Alors, comment devrait faire l'Eglise pour avoir de l'argent ? : Elle doit commencer par donner et se donner et prouver sa valeur par les réponses qu'elle apporte aux chercheurs de spiritualité. Si leurs besoins sont satisfaits par l'Eglise, celle-ci aura une légitimité non pas institutionnelle, mais fonctionnelle. Car il faut savoir que pour la majorité des citoyens, l'institution en soit n'est rien, hormis le fait qu'elle est une structure ancienne au même niveau que les institutions d'Etat. Elle n'aura de valeur que si elle engage le dialogue, la réciprocité, et l'amour. Car sans amour et respect de l'autre, il n'y a pas de vrai marketing.

C'est pourquoi si l'Eglise revient aux fondements de l'Evangile (5), elle a de forte chance de gagner en retour les dons de chacun : le don d'agent, le don de temps et le don de soi.

Conclusion en trois temps… raccourcis :
1. Le citoyen n'a pas besoin de l'Eglise (structure), mais de ce qui l'a faite : la foi De Dieu.
2. L'Eglise n'a pas besoin du chrétien (donateur) pour exister, mais existera si elle répond au besoin de foi des chrétiens.
3. La société n'a pas besoin de l'Eglise ou du chrétien, mais d'hommes et de femmes, témoins que la consommation de la foi de Dieu les a vraiment transformés.
Car tout produit n'a de valeur que si le consommateur voit – vit une différence dans sa propre vie et au-delà du discours.

Eric Jaffrain.

Notes :
1 : La Bible dans le nouveau testament : Hébreux 11 verset 6.
2 : La Bible dans le nouveau testament dans l'Evangile de Jean 6 verset 35
3 : La Bible dans le nouveau testament dans l'Evangile de Jean verset 14:6
4 : Mariage, enterrement, baptême.
5 : Aimer et donner sa vie pour son prochain, me semble être le texte central de l'Evangile.









Une Pub pour Dieu ou une pub pour l'église ?
Débat à la Radio Suisse Romande (RSR - Le Grand8) 24 février 2009

"Dieu n'existe probablement pas"... a-t-on pu lire sur les bus de Londres et Barcelone en ce début d'année. "Oui, Dieu existe", affirmaient les mêmes bus quelques jours plus tôt... Et le mouvement est sur le point d'atteindre la Suisse: une association athée cherche des fonds pour lancer une campagne...

Quelle place doit avoir la publicité dans l'univers du religieux ? En quoi le marketing peut apporter des éclairages ?

Tout le monde en conviendra: l'existence de Dieu est une vaste et noble question. Mais on peut se demander si la pub est réellement le bon outil pour en débattre. Et si les bus sont le bon endroit...

Question dans le Grand 8: le slogan publicitaire peut-il enrichir le débat sur l'existence de Dieu? Lui être d'une utilité quelconque? Ouvrir les perspectives de certains? Cela peut-il aider à se forger une opinion?

En tout cas, le procédé semble déplaire en Suisse. Les sociétés de transports publics manifestent leur crainte de blesser les croyants, de heurter des groupements confessionnels. A partir de quand une pub est-elle inacceptable? Impubliable? On peut estimer qu'il y a ici deux poids deux mesures: pourquoi accepter des pubs pour l'existence de Dieu, et en refuser contre?

Un coup de pub pour Dieu, c'est au Grand 8 à la RSR avec:
Invités
Jean-Henri Francfort , Francfort communication.
Jean-Marc Tétaz, philosophe.
Michel Kocher, théologien, directeur de Mediapro.
Et
Eric Jaffrain, professeur à l'Université de Lausanne, spécialiste en marketing non-marchand.
Pour écouter l'émission : http://g8.rsr.ch/?p=587







Un christianisme public qui ne répond plus aux besoins.

Sur le principe dynamique du marketing, offre - demande, la question que je soulève ici est de savoir si l'offre chrétienne répond aux besoins du public. Et en particulier dans ce propos, de savoir si les initiatives publiques de certains chrétiens sont pertinentes ou non. Comme la plupart des secteurs non-marchand (politique, humanitaire ou social par exemple) le religieux n'échappe pas à cette adéquation qui est répondre au besoin du consommateur. Cette vision peut choquer, mais il reste que le marketing religieux peut apporter un regard différent sur la façon dont ses acteurs s'adressent au public.

Un christianisme public qui ne répond plus aux besoins.
C'est parfois la perception que j'ai de plusieurs initiatives publiques initiées par des Chrétiens actuellement : parti politique ou lobbying Evangélique, comité éthique, lutte contre le Pacs, contre l'avortement, contre telle ou telle loi supprimant un aspect de l'éthique ou de la morale chrétienne ancrée depuis des siècles dans notre pays.
D'où ma question : à quel besoin répond-il ? Ou à qui répond-il ?

Si l'Evangile est pour beaucoup de Chrétiens une réponse à ceux qui sont "perdus", d'autres en revanche veulent voir son efficacité par une construction évangélique de la société, voir une constitution évangélique.
Ces lobbies semblent se former davantage pour influencer la société par l'affirmation de leurs idées, persuadé qu'ils reflètent une tendance lourde de la communauté chrétienne. Je n'en suis si pas sûr, et encore moins qu'ils soient des réponses aux attentes de nos concitoyens.

Il est évident que le chrétien ne doit pas être en marge des questions de société et être actif en tant que citoyen, mais le lobbying social de mouvements chrétiens n'a rien à voir avec l'annonce de l'évangile, celui du salut pour tous. Et ce n'est pas une loi qui changera notre société ! Ceci dit, le laxisme ou le conformiste aux tendances sociétales actuelles n'est pas mieux non plus. Mais là n'est pas mon propos.
L'Eglise n'a pas à signer ses actions sociales, encore moins un groupe de lobbying à justifier ses actions sur la Bible ou sur Dieu. Mais le chrétien, oui. Le public a besoin d'un évangile de réponse et non d'un christianisme réactif. C'est le cas trop souvent, et les médias se régalent à tout va lorsqu'il s'agit de rebondir sur des événements atypiques ou inhabituel. Ceci dit, ils reflètent malheureusement souvent une réalité : celle d'un langage guerrier, conflictuel, anti-tout exprimés par oral ou par écrit lors de nos rassemblements.

Nous sommes dans une société dans laquelle le citoyen exprime de multiples façons son désarroi, sa quête de Dieu ou/et de vie spirituelle. Il démissionne des discours rassembleurs, suspecte les appareils ou ses dirigeants politiques et économiques ou encore ses dirigeants. Et pourtant, on peu dire que depuis les années 60 le citoyen a cru que le salut se trouvait dans le confort économique ou la technologie médicale, dans une politique sociale nouvelle et dans le « savoir mieux » et du « communiquer plus facilement - plus vite ».
Ce fût alors la tendance créative du nouveau : nouvelle politique, nouveau parti, nouvelle théorie, nouvelle pédagogie : « c'est mieux qu'avant, vous verrez ! » nous dit-on. Ben voyons…
A part quelques irréductibles, nous savons tous, chrétien ou non, que la réponse à nos besoins ne se trouve pas là. Pourtant chaque fois que nous constatons un problème de société, nous avons une imagination déconcertante à proposer une autre solution structurelle.
Par un changement de forme, plutôt que de travailler sur le fond, on devient réactif plutôt que proactif. Il est étrange alors de constater qu'un groupe se constitue parce qu'il y a un ennemi ! Le raccourci est facile à prendre alors : pas d'ennemi, pas de groupe. Pas de groupe, pas d'existence sociale légitime. En cela, nous devrions proposer une autre alternative plutôt que de faire comme « les autres » : un parti d'opposition.

Alors pourquoi tant d'énergie et d'argent sont investis pour ces lobbying chrétiens ?
Répondrait-il à la crainte de chrétiens de voir leur pays contraire à ce en quoi il croît ou du moins espéré depuis longtemps ? Né de nouveau, cet homo christus se promet qu'on ne lui enlèvera pas ce qui lui a fait tant de bien aujourd'hui. Il vit une paix sociale personnelle mais il la veut aussi dans sa société. Alors le mieux n'est-il pas de faire une société chrétienne ? Avec des lois chrétiennes, ses écoles chrétiennes, ses magasins chrétiens, ses cinémas chrétiens, ses banques chrétiennes, sa voiture chrétiennes, son repas chrétien avec ses couteaux et fourchettes chrétienne…

Puissance du St Esprit ou programme politico-social ?
Au regard des réactions des Apôtres lors de transfiguration ou de la question posée à Jésus « quand viendra le règne d'Israël ?», on peu se demander si nous sommes vraiment apte à suivre la puissance du St Esprit. Les apôtres voulaient s'installer ou nommer Jésus comme ministre : l'histoire se répète. Jésus parle de puissance et nous, nous proposons des structures organisées autour d'une théologie, d'une expression, d'un mécanisme soit disant divin qui devrait nous donner La réponse à nos attentes sociales. C'est oublier l'amour du prochain tel le bon Samaritain ou encore l'attitude de Jésus face à la femme adultère.
D'avantage prêt à planter sa tente, pardon, son bureau, ses assistants, ses groupes, sa belle salle, son association : « on est bien ici Seigneur, installons-nous ! ». Et le pas est vite franchi pour vouloir une société chrétienne. Le choix des 3 apôtres n'était pas franchement pour être le sel de la terre ou lumière du monde, mais de pouvoir s'isoler dans un cocon. Comme vous le savez, Jésus n'a pas suivi cette idée.
Pas par cocon donc, ni par puissance et ni par force, mais de laisser le St Esprit agir dans les coeurs. Implicitement cela voudrait dire que nous serions prêt à soutenir l'appel de Dieu en l'autre plutôt que de promouvoir ou maintenir ses idées ou ses structures établies qui servent trop souvent le pouvoir en place depuis plusieurs années. Le St Esprit est créatif et non politique. Il a conduit Jésus à changer les cœurs, et non pas la société où il vivait alors.

« Revenez à Dieu ! » ont dits sans cesse les prophètes de la Bible lorsque le peuple de Dieu vivait des crises sociales, économiques ou morales. Abondamment Esaïe rapporte l'engagement de Dieu envers son peuple : « Je prends ta cause en main ». Jésus a repris les premiers versets d'Esaïe 61 : « l'Esprit du Seigneur est sur moi… pour libérer… sauver… guérir …»
Dans ce sens, faut-il promouvoir l'idée d'un gouvernement chrétien ? D'un parti politique ou d'une éthique chrétienne ? Le monde chrétien devrait pouvoir réfléchir sur le bien fondé a proposer une telle alternative. Vouloir convertir une société est une lutte de pouvoir déjà perdu d'avance, mais changer les cœurs qui ensuite changeront la société est une vrai réforme et pas seulement une révolution.

Si je suis chrétien, je suis un citoyen en premier lieu dans la société : comme tout le monde, je vais faire des achats, je roule en voiture, je vote, j'ai un permis de conduire, je regarde la télé ou écoute la radio… Ainsi je vis avec et comme tout le monde. Sauf bien sûr que j'ai une particularité : je suis chrétien et je crois à autre chose que le profit, l'avarice, le mensonge et le pouvoir. Je crois à l'Amour qui sauve.
Est-ce ce témoignage public que nous donnons ? Sommes-nous « le sel de la terre » ?

A force de vouloir à tout prix changer la forme qu'à la société, peu faire de nous le « poivre de la terre » et de faire éternuer a tout craint nos voisins. Le sel, placé sur une plaie vive… peu faire très mal.
Sauf erreur, le sel donne du goût à un produit ou un plat déjà existant, que je n'ai donc pas réalisé. J'ai plus de plaisir à entendre quelqu'un me dire « j'aime ta présence dans l'entreprise, cela nous fait du bien », plutôt que de me retrouver tout seul par choix de « pureté » ou d'être relégué dans la tribut des « contre courant ». Raison pour laquelle j'aime redire cette phrase de St François d'Assise « Evangélisez sans cesse et parlez si nécessaire ».

Que faire, alors ?
A mon sens, notre mission n'est pas d'évangéliser la société, mais plutôt de la peupler de chrétiens. Si les Hommes de loi, des affaires ou des médias changent de comportements, les lois changeront, l'esprit de profit des entreprises et les images des médias changeront elles aussi. Et là, la société changera ! Un rêve ? Non, un appel du Seigneur à être des témoins partout où nous sommes.
De fait, les prédicateurs devraient encourager les chrétiens à être des témoins dans la société et pas seulement assidu aux réunions. L'engagement du chrétien est dans ce qu'il fait, pas uniquement dans ce qu'il dit des autres ou de la société. Il est actif en tant que citoyen dans tous les milieux sociaux et professionnels. Un citoyen qui pratique activement ses valeurs et son éthique, basée sur la foi, quotidiennement. Artiste, politique, chef d'entreprise, sportif, employé, mère de famille, chômeur, tous à notre niveau, si nous sommes des témoins du Christ vivant autour de nous, la société changera !
Ayant été élu politique pendant 2 ans, j'ai pu ainsi influencer la citée, mais pas en créant un parti politique… chrétien.
Lorsque j'étais au tout début de mon métier de publicitaire, il y a 20 ans, mon patron me demandait de dessiner une image plutôt tendancieuse. J'ai refusé de la faire et évoquant que mes valeurs personnelles était à l'encontre de cela. Et que de plus, ça ne « marcherait » pas parce que ce n'est pas juste. C'est ce qui s'est passé. Plus tard mon patron revenait vers moi, en disant « vous aviez raison, ça n'a pas marché, et j'aurais dû vous écouter ». Il n'a plus jamais accepté de telle demande et me demanda souvent conseil…
Le jour où les décideurs de notre société demanderont conseil aux chrétiens, nous aurons trouvé notre vrai place qui est celle d'être lumière du monde et sel de la terre.

Et les médias ?
Une des raisons que les Evangéliques soient parfois « épinglés » dans les médias (comme les dossiers récents de l'Hebdo en Suisse ou le Nouvel Obs en France), vient du fait que les auteurs de rassemblements ne communique pas avec eux, ou mal. Certes, nous savons que les médias sont souvent incultes quand aux phénomènes religieux, mais je sais aussi que, ayant quelques amis journalistes, ces derniers ne demandent qu'à mieux nous connaître autrement que par le fondamentalisme et de l'anti-tout. L'inconnu leur fait peur, la contestation leur fond de commerce. Alors à nous de les informer par des communiqués de presse et par des relations étroites et régulières avec eux.
Eux aussi ont des besoins, des questions, des attentes. Sommes-nous prêt à y répondre ?

Nos amis, nos voisins et nos proches, recherchent le vrai, l'accueil, le respect, l'espérance. Il n'y a jamais eu autant de recherche et d'attente de Dieu qu'aujourd'hui. En répondant à leur besoin de vie, nous changerons les cœurs, c'est le projet de Dieu.
Les cœurs changés par Dieu, c'est une société qui change de mentalité. Il faudrait commencer par nous.

Eric Jaffrain © 28 Mai 2005



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