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Le profit ne fait plus recette

Le profit ne fait plus recette
et le lien social comme parade marketing.


« Quand le banquier – tout comme le médecin, l'avocat ou le journaliste – ne se pose plus la question du sens de ce qu'il fait et de l'intérêt de son client, il fait peser des risques sur lui ».(1).
« la banque UBS parviendra t-elle à retrouver la confiance des clients et investisseur ? ».

Confiance – sens… Il n'est pas rare d'entendre ces termes ou de les découvrir ou dans les pages économique des médias. Chose inconcevable il n'y a pas si longtemps. Les entreprises s'inquiètent, les médias s'interrogent, le consommateur n'est plus le client d'hantant. L'économie de marché semble être ébranlée dans ses fondements, mais le profit reste pourtant le seul objectif à tenir.

Comment gagner ?
Comment faire pour gagner plus d'argent ?
Comment avoir plus d'adhérents, de membres ou de bénévoles ?
Comment stopper l'érosion de ma clientèle ?

Voilà des questions récurrentes que l'on pourrait voir comme légitimes, mais qui risquent de nous faire oublier le véritable objectif lorsque l'on s'engage dans un projet.

Ce « comment gagner » a aujourd'hui tendance à se substituer au « pourquoi ? » ou au « pour qui ? ». Le sens ou la fonction sociale d'un projet disparaît au profit de l'intérêt privé.
Une entreprise ou une association cherche à stopper l'érosion de ses recettes, de ses membres ou des ses clients : Souvent, cette structure cherche l'astuce, la « clé marketing », ou encore la bonne communication qui la fera sortir de la crise en cours ou du risque à venir. Réaction compréhensible, certes, mais chercher une recette en évacuant le sens et l'origine d'une perte d'argent ou de résultat, est à mon sens, un véritable piège. Car ce déficit vient souvent d'une rupture avec son propre public, une rupture de lien social : sans forcément l'exprimer, il a le sentiment d'être exclu ou instrumentalisé. Exclu car son besoin n'est pas satisfait, ou instrumentalisé car on ne s'intéresse qu'à ce qu'il peut rapporter pour le succès de l'autre.

L'économie a peur et le consommateur attend
Si le responsable marketing ou la direction générale entend ce genre de discours plus social, peu importe ! : L'entreprise est là pour réussir. Entendez par là, faire du profit. C'est sa « vocation ».
Alors, tout semble être bon pour atteindre ce but : promotion, discount, baisse de prix, publicité accrocheuse, logo XXL, mailings agressifs ou remplis de promesses. Mais c'est oublier que non seulement parce que le consommateur est saturé de promotion, mais qu'il devient indifférent à toute forme d'accroche publicitaire.
Faire du vrai marketing ? : Pas le temps, peu importe la stratégie. Vendre et faire de la marge, rapidement et sans trop d'investissement. Il faut agir, vendre vite, et éventuellement bâtir une stratégie. Le consommateur cherche du sens, mais l'entreprise et ses actionnaires l'ignorent. L'économie a peur de donner…
Alors, le consommateur attend de recevoir d'une entreprise qui ne veut pas donner. Et l'entreprise attend que le consommateur lui donne son argent et ce dernier ne veut plus le lui donner n'importe comment. On tourne en rond.

Et malgré les « efforts » commerciaux de l'entreprise, l'écart se creuse entre elle et ses clients avec des signes qui ne trompent pas : Un chiffre d'affaire en déclin, une saturation du consommateur zappeur et volatile, une difficulté à fidéliser ses clients, ses membres ou ses donateurs, l'augmentation des prix des matières premières, du pétrole…

Or toute stratégie marketing ne peut faire l'économie d'ignorer encore longtemps les forces de son environnement, tel que les comportements sociaux de la société ou de son marché direct.
Je suis convaincu que tout citoyen attend de devenir un client… Ou plutôt, est ouvert à être un acteur consentant à faire grandir le chiffre d'affaire de l'entreprise. Ce n'est pas certes son objectif, mais s'il est considéré, respecté, il sera prêt même à payer plus cher. Son attente est de savoir s'il peut donner sa confiance à l'entreprise qui vend des produits, des services ou des idées. Car on ne créé pas un client, on le rencontre.
En clair, il attend… d'être aimé. Et oui !

La quête du Saint Profit
Aimer n'est pas avoir un style à contre courant, une utopie ou un concept mielleux, mais une réalité qui devrait reprendre sa place dans le marketing.
Pourtant, la performance ou la réussite (entendez financières), sont quotidiennement évoqués dans les médias ou dans les discours publics : Celui ou celle qui gagne de l'argent « est un bon », pas un être qui aime.

Mais cela est en train de changer. On peut constater que la saturation de l'économie de marché est à notre porte, révélée par un mouvement de fond du public, non pas contestataire, mais par choix de vie, un désir de vivre autrement la communauté : Les tendances d'achat du grand public vont de plus en plus vers le « seconde main » ou la réutilisation de produit considérés trop peu modernes, ou encore vers des produits plus éthiques, comme le montrent les « Dé-croissants », les écologistes, le commerce équitable, les produits Bio, les Discounteurs, etc. : une quête du vivre mieux.

Au commencement était le marketing…
Le principal moteur de la société et d'un trop grand nombre de citoyens, est celui d'être performant, d'atteindre des objectifs. Peu importe le moyen.
La performance est au centre, et l'être humain ne doit plus avoir d'émotions, de sens et de lien social.
La société actuelle a forgé une mentalité du succès contraire à l'abondance originelle, tel un arbre fruitier, s'il est en bonne santé, est fait pour donner et produire. Sa santé dépend de ce qu'il est, de ses racines qui puiseront son énergie, et de son exposition à la lumière. Ses fruits sont la résultante de tout cela. Il en est de même pour nous et pour toute communauté organisée.

Je crois que la recherche du profit est une erreur d'objectif de l'entreprise, et bien éloigné du concept marketing. Plutôt que de profit, je parlerais de la réussite sociale de l'entrepreneur.
Je n'ai jamais vu une entreprise - ou ses actionnaires - avoir trouvé son bonheur en faisant du profit. Une certaine satisfaction probablement. La performance économique d'une entreprise, ainsi que sa pérennité viendra, d'une part, de la réponse aux besoins de son public, et d'autre part, de sa communication avec lui, tel que la réciprocité – l'interactivité – et la crédibilité.
Cette trilogie résume pour moi ce qu'est le vrai marketing et un vrai marché : une dynamique de relations et de lien social.

Ethique et politique sociale d'entreprise
En réaction à plusieurs crises (2) de la société, le monde marchand a tenté depuis plusieurs années, de donner une tonalité plus sociale de l'entreprise. On commence à entendre parler de lien social.
Mais il s'agit plutôt d'un jeu sémantique et commercial que d'une réalité sur le terrain. En fait, pour faire un chiffre d'affaire, il faut trouver ce qui « sonne bien » aux yeux du consommateur - citoyen. Comme ce publicitaire en charge du lancement de la nouvelle Volvo en France qui n'a pas hésité à dire qu'«il faut savoir utiliser des termes à connotation non marchande et sociale pour vendre un produit de consommation ».

Ce qui est triste, c'est que la motivation des vendeurs n'est pas de se rapprocher des attentes des clients, mais plutôt de trouver des remèdes, des palliatifs, pour se protéger des crises financières qu'ils subissent ou de capter le consommateur aujourd'hui zappeur et volatile.
Pourtant, répondre aux besoins sociaux et humains n'est pas opposé à l'économie : c'est un déclencheur. L'entreprise devrait être un lien, un liant avec la société et son public cible.
Ainsi, le dialogue instauré légitime le produit comme étant un des éléments de réponse aux besoins de l'autre.
Un client satisfait est une personne écoutée et respectée dans ce qu'elle est, et non dans ce qu'elle paye.

Le marketing du don
Le rôle ou la responsabilité sociale de l'entreprise n'aura de sens que si la politique commerciale tient compte plus de la personne que du client. En clair, aimez la personne et vous aurez un client ! Donner, devient plus performant, et quand l'entreprise commence à donner, son chiffre d'affaire grandira. Et ça, c'est du marketing.

Pour rappel, le marketing est un art, pas une science et ne se résume surtout pas à la vente ! C'est l'art d'utiliser des outils pour répondre aux besoins socioéconomiques des citoyens et non de l'entreprise. Un marché est animé par le principe bien connu « offre – demande », et non de vendre des produits comme réponse à des attentes qui n'existent pas. C'est oublier que le consommateur est avant tout un citoyen, une personne qui a d'autres besoins que celui d'acheter. Ses besoins s'expriment par une autre forme de transaction, bien plus ancienne que la vente. Il s'agit du don, l'origine de la vie, de la communauté.

Le don, le dû et les patates
Ainsi, le don est bien plus performant que le dû. Recevoir un salaire en échange d'un travail, comme le fait d'avoir un croissant en contre partie de mes 2 pièces de monnaie : c'est un dû, un contrat. Mais cette transaction limite le succès, car le don est absent.
Mais autre exemple que j'aime raconter : Je vais souvent acheter des produits à la superette de mon village, car la personne qui m'accueille me donne beaucoup ! : Son temps, parle avec moi, me demande des nouvelles de ma santé, de ma famille et me livre même du pain. Ses produits sont un peu plus chers, mais je suis prêt à payer ce prix car je me sens respecté, écouté. J'aime y aller, et j'ai le sentiment que je ne suis pas le seul à réagir ainsi. Pas vous ?

Et le don est pourtant naturel et « vieux comme Hérode » ! : Un fermier m'a dit un jour : « les patates vont bien donner cette année ! »… Car il avait donné son temps et ses semences à la terre.
Ainsi, lorsque quelqu'un donne de son temps pour une personne (client, donateur, membre…), il reçoit bien plus en retour.

Plus le lien social est présent, plus l'économie se développera. En ce sens, on ne créé pas un client, on le rencontre.
Si une entreprise veut réussir, elle devrait commencer par donner: Donner son temps, donner ses idées, donner des services ou ses produits. Le don est une force bien plus efficace que le dû.
Si l'entreprise (ou une association, un parti) donne, ou se donne, elle gagnera. Plutôt que de vendre, l'entreprise devrait axer sa politique commerciale sur le don, sur trois dons : le don d'argent, de temps et de soi (la confiance).

Et le don de soi est la première étape : Si un client me fait confiance, il donnera son argent et son temps. Car plus le lien social est fort, honnête et vrai, plus le lien (le marché) se développera. Et la résultante ? Un bon chiffre d'affaire !

Et demain ?
Une journaliste radio, me posa un jour une question dans le même sens : « la planète consommation est en ébullition, le consommateur va-t-il chercher une autre manière de vivre, de consommer ? ».
Oui, je pense que le consommateur veut être est autre chose qu'un chiffre d'affaire, voire un numéro. En quête de lien social, il a besoin d'être reconnu dans sa trilogie, corps – âme - esprit, réclamant du sens dans ce « statut » de consommateur. Il veut être un consomm'acteur pour vivre mieux.

Il ne cherche pas à acheter un produit, mais cherche un bien-être plus complet, presque total.
Le style économique actuel ne peut pas durer. Il y trop de crises, trop de tensions, trop d'attentes. Il n'est pas possible non plus de vivre dans une société basée sur la séduction, par des fausses promesses de réussite, et enfin sur la performance dénuée d'humanité.
Alors votre marché est-il morose ? : Commencer à aimer le consommateur et il vous rendra bien plus... que ce que vous aurez donné.

Quelles solutions possibles ?
Face aux crises actuelles, un grand nombre de services marketing cherchent des solutions. Il n'y a certes pas de recettes toutes faites (cela se saurait !), mais je vous laisse là, six pistes qui pourraient. À mon avis, changer profondément et positivement la société et d'engager une autre vision de l'économie de marché :

1- Les ressources humaines
Supprimer la 1ère place qu'ont la performance et la compétition dans l'entreprise, et redonner du temps aux employés : Si l'individu est devenu la ressource de l'entreprise, il n'y a pas si longtemps, elle était un lieu important de son épanouissement. Aujourd'hui l'économie de marché créé plus de souffrance humaine. Le stress ou la dépression sont les 1ers signes d'une mauvaise santé de l'entreprise et cela lui coûte de plus en plus cher.

2- La responsabilité sociale et communautaire
La stratégie de développement de l'entreprise devrait se penser avec les composantes de son environnement direct et non pas sur son seul objectif de profit financier : Si une entreprise créé de l'emploi, elle devrait tenir compte également de sa responsabilité écologique, familiale, éducative, comme sur le temps de transport de ses employés. Elle devrait investir aussi pour la communauté, comme de participer au financement des écoles ou des transports par exemple.

3- La production contrôlée
Produire moins et de meilleure qualité et redonner plus de place au service d'entretien. Développer sans cesse de nouveaux produits n'a jamais été la meilleure solution : c'est la plus facile. Le produit ne peut pas à lui seul, produire du chiffre d'affaire, il manque le service après-vente. C'est la 4ème piste

4- Le service complet
Il est incroyable aujourd'hui que réparer un produit coûte plus cher que d'en acheter un neuf ! En remettant en place ce service, il y aura moins de pollution, mais aussi des créations d'emplois. Prendre du temps avec ses clients : trop d'entreprises ont pour seul objectif de vendre le maximum de produit en occultant le conseil et le suivi. C'est oublier qu'un client bien servi est un client fidélisé.

5- Le profit mesuré
Au risque d'être perçu comme idéaliste, le profit rapide et unilatéral de l'entreprise n'est pas sain et de plus inutile. Gagner de l'argent pour ses besoins et pas plus, est plus juste que d'amasser des richesses. Un actionnaire devrait penser à la santé communautaire. Celle-ci le lui rendra.

6- Stopper la spéculation
La crise financière actuelle n'est pas une surprise pour les financiers, et preuve en est, car ce n'est pas eux qui payent. La spéculation, le gain financier facile et rapide n'est pas une production, ni un marché. C'est un jeu… dangereux, qui va à l'encontre de l'économie de marché et la domine. La bourse gère la production, alors que cela devrait être l'inverse.

Je ne considère pas ces pistes comme des recettes utopistes, mais comme une première étape du changement des mentalités. Le profit facile d'aujourd'hui n'a pas été l'élan de la communauté, mais de l'initiative de quelques personnes, et remettre la société et l'humain au centre du marché, c'est redonner au profit tout son sens.

Trois acteurs peuvent aider à ce changement : les politiques, le chef d'entreprise et les médias. Et c'est certain, le grand public suivra.



EJ
29 septembre 2008




Notes

Note 1 :
Propos de Paul Dembinski, fondateur d'Eco'Diagnostic à Genève, mentionnés dans le magazine Suisse « L'Hebdo » d'Avril 2008.


Note n°2. Des crises révélatrices
Des signes visibles se révèlent dans ce que je considère comme les 6 crises actuelles du monde économique :
1- Crise communautaire :- on « communique » sans mesure ;
- on peut acheter tout et partout ;
- on peut accéder à tout ce qui se passe ici et dans le monde ;
 Mais il manque l'esprit rassembleur et le sentiment d'appartenance.

2- Crise de la fidélité :- la société a conçu le « consommateur zappeur » et volatile ;
- l'employé ne se veut plus fidèle à l'entreprise et se vend ailleurs, car il y voit là le seul moyen d'augmenter son salaire ;
 Le sens d'un produit, d'une idée ou d'un engagement est absent.

3- Crise du marché :
- le « je veux 15% de marge peu importe le produit »;
- Le prix considéré comme seul élément déclencheur de l'acte d'achat ;
- la performance à tout prix ;
… tuent le sens social et la crédibilité de l'entreprise tant en interne qu'en externe.
- le consommateur est un zappeur volatile et peu fidèle.

4- Crise des partis (politique, religieux, syndicaliste…):
- La forme s'est substitue au fond et au grand projet ;
- L'intérêt partisan et autarcique prime sur l'intérêt général ;
- L'idéologie a chassé la vision et la passion de l'autre.

5- Crise des valeurs :
- Il a peu de grand projets ou de grandes idées ;
- Le manque de créativité : ne pas s'intéresser aux autres tue la créativité !
- Le risque est exclu ;
- Crise de la fidélité (Cf. point 2) ;
- Perte de sens dans l'économie.

6- Crise du profit facile :
- Les risques croissants des placements financiers à rendement facile ou immédiat (immobilier, Subprime, FCP) ébranlent les actionnaires et les investisseurs ;
- Le public ne veut plus voir les gros salaires des patrons, perçus aujourd'hui comme indécents ;
- Le rendement financier, un dogme qui inonde toutes les sphères de l'économie au détriment de l'esprit humanitaire.




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