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L'offensive financière du marché des pauvres


4 milliard de personnes deviennent la proie des entreprises en mal de profit en occident.

La classe moyenne de ces pays émergent (au dessus de 3'000 dollars par an) ne représentent que 1.4 milliard et déjà très sollicités par les entreprises en compétition constante.
Et voilà que les pauvres sont une manne providentielle et « qui est le plus vaste marché de consommation de la planète à être délaissé ». Cette phrase écrite par une équipe de deux personnes d'Equity Research (ER) de la banque Sarasin (1), me donne plutôt la déclaration d'une sentence et de mise à mort.

L'article et les analyses (forts bien faites par ailleurs) de cette équipe, ne semblent pas avoir perçue ce qui est pour moi une erreur stratégique socio-économique : si la vente de produits et de service augmente la consommation et un certain « confort », elle augmente la fracture sociale et détruit l'avenir économique d'un pays à moyen terme. Un bon PIB cache très souvent un drame social, comme l'est par exemple l'Afrique du Sud (2). Une économie saine ne se mesure pas avec le PIB, mais avec le nombre de pauvre qui s'enrichissent.

Mais qu'importe ! Si la course effrénée des entreprises à vouloir faire consommer s'essouffle en occident, elles ne semblent pas avoir apprise les leçons de la crise financière et économique (3) : il y a de l'argent à prendre ailleurs… chez les pauvres.
Car voilà, il y a de l'argent à prendre auprès de ceux que l'on nomme les consommateurs « du bas de la pyramide » : Ils sont pauvres, n'ont pas accès aux crédits, mais payent cash. Cette « pénalité de la pauvreté », je cite, ne semble pas poser de problème aux chercheurs de profit, même si ces pauvres consacrent 80% de leur petit budget à la vie, voire la survie.

La « pénalité de la pauvreté », mais pour qui ?
Ces pauvres écrit encore E.R, « est un segment très rural, constitué de personnes ayant encore difficilement accès au crédit, aux services de télécommunications et, parfois, à l'électricité ou à l'eau potable. Ces conditions compliquent l'accès à la base de la pyramide, et l'isolement des consommateurs qui en découle se traduit pour eux par des coûts supplémentaires que l'on appelle la «pénalité de pauvreté. Les personnes pauvres vivant dans des régions situées à l'écart des grands flux économiques paient en effet leurs achats plus cher, que ce soit du riz ou un crédit, parfois l'équivalent de 25 fois ce que payent les consommateurs des zones urbaines ».
En fait, est pauvre celui ne consomme pas et vit pas comme les autres. Alors qu'il n'y a pas si longtemps que ça, la richesse se trouvait encore dans les zones rurales... Mais aujourd'hui, plus il y a croissance d'offre de produits dit « de conforts » plus ceux qui ne les consomment pas sont pauvres.
Curieux… Ça ressemble à une dictature, non ?

Qui va imposer le besoin ?
Pour cette équipe d'E.R, « La raison est à chercher du côté d'une concurrence insuffisante, laquelle permet aux petits marchands de faire payer davantage aux consommateurs pauvres, qui ont moins d'alternatives et des habitudes de consommation moins sophistiquées ». Et c'est à mon avis, une erreur marketing, car l'approche de ce marché est vue par les marchands et non par la personne cible. Car où est le besoin et qui va l'imposer ?

Les multinationales développent des produits à usage unique et à faible coût (détergent, shampoing ou huile de cuisine), ou encore des cartes pour téléphones mobile à faible valeur et payée cash par le consommateur : Une aubaine ! En répondant partiellement aux besoins de ces consommateurs, les entreprises déclenchent une dépendance à la consommation. Ce gentil consommateur ne doit pas chercher à se sauver lui-même, et encore moins de demander de l'aide : on lui dit comment et avec quoi s'en sortir.

Le salut vient de nous!
Et aux entreprises occidentales de dire avec une pieuse éthique « ces stratégies débloquent le pouvoir d'achat des consommateurs de la base, mais elles développent également les marchés locaux, réduisent les prix moyens et améliorent généralement le niveau de vie des communautés locales, mettant ainsi en place un cercle vertueux d'expansion ».
Et nous revoilà avec le slogan des vertueux prophètes de la finance « il faut financer la croissance » ! Et il est simple de comprendre que cette dite croissance (du nord) est financée par les plus pauvres (du sud). L'esprit colonial est loin d'être terminé.

Acquérir la richesse autrement
Cette nouvelle cible intéresse donc les financiers. Non pas pour le bien de la planète et encore moins pour le bien des plus pauvre, mais pour augmenter leur richesse… déjà existante.
Cette approche ne donnera pas les moyens aux plus pauvres de s'en sortir et de créer leur propre richesse par leurs compétences, mais deviendront comme en occident, des consommateurs débiteurs des plus riches.
L‘avenir d'une nation dépend de la semence de ses richesses dans une terre vierge mais pleine de promesses : A savoir donner à ceux qui n'ont pas les moyens pour qu'ils produisent eux même, car il y a plus de force et de joie à donner que de recevoir.
Si je gagne seul, je reste seul. Si je fais gagner l'autre par mes richesses, nous sommes deux à gagner.

Dans quelles valeurs investir ?
Les pays riches qui ont voulu la mondialisation pour « financer la croissance » se soumettent maintenant aux pays émergents. L'économie mondiale n'est plus en occident mais en Asie.
Les consommateurs occidentaux deviennent de moins en moins dociles et réclament de l'éthique et des valeurs.
Qu'à cela ne tienne ! : Quatre milliards de personnes pauvres deviennent maintenant la cible de choix pour faire de l'argent. Même pas un siècle après, nos colons de l'occident retournent... explorer les pauvres et les éduquer à consommer : Si l'on a perdu politiquement des colonies, elles peuvent donc se reconquérir par l'économie.
Ah, que l'homme aime le pouvoir !

Il est triste de voir encore que par cette stratégie de conquête pour un nouveau marché, que seule la quête de croissance économique mobilise le monde de la finance, du politique et des entreprises.

Mais je reste persuadé que bien des épreuves attendent encore l'économie, jusqu'à ce qu'elle retienne quelques leçons.

Si je puis me permettre de laisser celle-ci : une entreprise qui veut réussir ne doit pas chercher le profit, mais investir dans le don.
C'est comme un grain de blé semé en terre, ou plutôt donné à la terre, il produira... 60 à 100 fois plus!
Essayez, et vous verrez que ça marche.

Eric Jaffrain
31 août 2010





Notes :
1 : dans un article du site Web du crédit Suisse. La très respectueuse banque d'affaire Sarasin qui affirme que « ce n'est pas le profit rapide qui nous intéresse, mais plutôt la croissance à long terme. Pour nous, le développement durable appliqué au quotidien est la clé du succès économique et la durabilité fait partie de la stratégie d'entreprise », semble oublier que le durable est avant tout humain et solidaire et non financier. On ne peut reprocher certes à une banque de parler d'argent, mais c'est avoir un regard un peu obscurci que d'associer « durable » avec « profit sur les plus pauvres».

2 : la croissance du PIB en Afrique du Sud est de 4% en moyenne depuis 3 années consécutives. Mais avec un taux de chômage de plus de 25% et certains affirme qu'il est plutôt de 40%. 16 millions d'habitants n'ont pas accès aux services bancaires.
3 : Et cette crise est bien loin d'être terminée.



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